"Ciel rouge le soir prépare ton arrosoir"... non c'est pas ça, c'est "ciel rouge le soir range ton arrosoir". Mince c'est quoi déjà la formule? ciel rouge le soir oui! arrosoir oui! ça rime, c'est ça! mais c'est... range ou prépare...c'est malin t'es pas foutue de retenir un proverbe en entier. Tu sais les choses qu'à moitié"
J'ai des monologues passionnants, à valeur hautement philosopho-societal. Je pourrais m'interroger sur le problème de l'identité française, mais non, moi ce qui m'intéresse c'est de savoir si un ciel rouge le soir annonce de la pluie le lendemain ou un grand soleil. Parce que c'est primordial comme info de savoir si demain t'arroses tes tomates ou pas, surtout quand on est le 27 octobre, qu'à priori les tomates c'est plus la saison et que toi des tomates dans ton jardin tu ne risques pas de devoir les arroser, vu que t'en as pas planté, des tomates, au printemps dernier.
Oui mais c'est range ton arrosoir ou pas? c'est comme le croissant de lune, tu sais qu'en dessinant une barre accolée au demi cercle blanc de la lune tu peux faire un p ou un d et savoir ainsi si c'est le premier ou dernier croissant de lune, mais après ? ça veut dire quoi? que c'est la pleine lune qui s'annonce ou pas?
j'ai envie de dire te dire, on s'en fiche! Oui mais non! parce que l'arrosoir, le croissant de lune, tout ça tout ça , c'est ton grand père qui te les a racontées et que ça s'appelle l'héritage.
Tout comme, les "tourloutoutou chapeau pointou" qu'il faisait dire aux anglais, prisonniers de guerre comme lui, sa façon de découper les gâteaux d'anniversaire en parts (hum hum) égales parce que c'est lui qui était chargé de partager le tabac dans le camp, tous ses "vincent mit l'âne dans le pré ça fait combien de pattes et d'oreilles?" et tes réponse d'enfant "bin, 4 fois vingt cent mille Grand Père" qui le faisaient rire aux éclats sans que tu comprennes pourquoi, tous ces "where is my knife" qu'il proclamait d'une voix forte, chaque soir, installé à sa place de chef de famille en bout de table... Tout ça, ce sont des petits bout de mémoire, des sourires que tu échanges avec lui.
Pourtant c'était pas forcément un drôle ton grand père. C'était un mossieur. Né le 4/5/6! t'as toujours trouvé ça extraordinaire comme date de naissance, 4 5 6. Ancien combattant, résistant, c'était l'instituteur du village, le secrétaire de mairie, le directeur de l'école des garçons. Il avait des principes, on ne plaisantait pas avec l'école laïque de Jules Ferry, fièrement anticlérical. L'école libre? un ramassis de grenouilles de bénitier. Fier de son métier et sans doute bon instituteur, il avait emmené nombre de "bons gars" au certificat d'études et les avaient souvent placés, ensuite, dans des études de notaire. IL y a aujourd'hui quelques notaires honoraires qui lui doivent leur carrière.
Mais, il était aussi engoncé dans le qu'en dira t'on, ne pas faire de vagues, rester dans la norme... dur avec ses enfants, les études c'est le seule chose qui compte.
Mais toi, sa petit fille, une fois passée l'éternelle question: " tu as eu de bonnes notes aujourd'hui à l'école?" tu avais devant toi un vieux monsieur, assis sur un minuscule tabouret, dans son jardin. Il t'observait du coin de l’œil te laissait courir avec ta sœur entre les plates bandes de son cher potager, grappiller toutes les groseilles et les tomates. Et tout à coup agacé, criait en direction de la cuisine : " Marguerite! il est prêt ton gâteau pour les filles? j'ai du travail au jardin, moi."
Trop tard Grand père! J'ai deviné derrière tes airs bourrus tout l'amour d'un grand père pour ses petites filles.
Et si je n'ai retenu que la moitié de tes histoires, peu importe, l'essentiel c'est qu'un ciel rouge un soir me ramène encore vers toi.